La ludologie est une science des jeux qui prend en compte à la fois l’organisation de la pratique ludique (espace, temps, règles), mais aussi sa dimension sociale (position du joueur, effets du jeu).
Ses fondements remontent aux travaux d’Huizinga (1938) et son intérêt de philosophe et historien pour l’homo ludens. Colas Duflo résume quelques éléments du jeu selon Huizinga : Le libre consentement du joueur : là où il y a obligation (sociale) il n’y a pas jeu. Le jeu est limité temporellement et spatialement. Tout jeu est doté de règles propres qui n’ont du sens qu’à l’intérieur du jeu. Le jeu est « improductif ». Quatre décennies plus tard, Roger Caillois reprenant le travail d’Huizinga définit le jeu comme une activité : libre : à laquelle le joueur ne saurait être obligé sans que le jeu perde aussitôt sa nature de divertissement attirant et joyeux. séparée : circonscrite dans des limites d’espace et de temps précises et fixées à l’avance. incertaine : dont le déroulement ne saurait être déterminé ni le résultat acquis préalablement sans une certaine latitude dans une nécessité d’inventer étant obligatoirement laissée à l’initiative du joueur. improductive : ne créant ni bien, ni richesse, ni élément nouveau d’aucune sorte ; et, sauf déplacement de propriété au sein du cercle des joueurs, aboutissant à une situation identique à celle du début de la partie. réglée : soumise à des conventions qui suspendent les lois ordinaires et qui instaurent momentanément une législation nouvelle qui seule compte. fictive : accompagnée d’une conscience spécifique de réalité seconde ou de franche irréalité par rapport à la vie courante. Il indique que « ces diverses qualités sont purement formelles. Elles ne préjugent pas du contenu des jeux. Il propose ensuite une typologie des jeux en fonction de l’effet que ceux-ci produisent sur le joueur en distinguant différentes impulsions primaires. Celles-ci renvoient à la compétition (agôn) au destin (alea), au mimétisme ou faire-semblant (mimicry) et au vertige (ilinx). Ces impulsions se distribuent, en fonction des jeux et des moments de jeu, entre deux pôles : le ludus, pour les jeux qui sont régis par un nombre de règles très important le paidia, pour ceux qui laissent une grande marge de manoeuvre au joueur et donc à l’improvisation
Définition
La ludologie est un champ d’étude interdisciplinaire qui se concentre sur la recherche et l’analyse des jeux, y compris les jeux de rôle (JDR), les jeux vidéo, les jeux de société, et d’autres formes de jeux. Elle examine comment les jeux sont conçus (leur mécanique, règles, objectifs), la manière dont ils fonctionnent (interaction avec les joueurs, immersion, narration), et l’expérience qu’ils procurent (plaisir, apprentissage, évasion). La ludologie s’intéresse aussi aux impacts sociaux, culturels, et psychologiques des jeux sur les individus et les sociétés. Elle vise à comprendre le rôle des jeux dans la culture humaine et leur signification au-delà du simple divertissement.
Exemple
Dans le contexte des JDR, un ludologue pourrait analyser la structure narrative d’un jeu comme “Donjons & Dragons”, étudier comment ses règles façonnent l’interaction entre les joueurs et le maître de jeu, et quel type d’expériences ludiques et narratives sont encouragées par son design. Cette analyse pourrait inclure l’examen des systèmes de combat, de la création de personnages, et de la façon dont ces éléments contribuent à l’immersion et à l’engagement des joueurs.
Origine et Contexte
Le terme “ludologie” a été popularisé au début des années 2000 dans le contexte des études sur les jeux vidéo, avec des chercheurs comme Gonzalo Frasca et Jesper Juul qui ont plaidé pour une approche formelle de l’étude des jeux, distincte des approches narratives et cinématographiques prédominantes dans la théorie des médias à l’époque. Depuis, la ludologie s’est élargie pour inclure toutes les formes de jeux, reconnaissant leur importance en tant que phénomènes culturels, éducatifs, et sociaux.
Débat
Il existe un débat entre ludologie et narratologie (l’étude des structures narratives et de la narration) concernant l’approche la plus appropriée pour analyser les jeux, en particulier les jeux vidéo. Les ludologues soutiennent que l’accent devrait être mis sur les mécaniques de jeu et les règles comme éléments clés qui définissent les jeux, tandis que les narratologues mettent en avant l’importance des histoires et des narrations. Ce débat a contribué à élargir la compréhension des jeux, en soulignant la nécessité d’approches multiples pour appréhender la complexité des expériences ludiques.
Variantes et Synonymes
- Théorie des jeux : Bien que parfois utilisée de manière interchangeable, la théorie des jeux est en fait une branche des mathématiques et de l’économie qui s’intéresse aux stratégies dans les situations de décision. La ludologie, en revanche, a un champ d’application plus large et s’intéresse à tous les aspects des jeux, pas seulement à la stratégie ou à la prise de décision.
- Game Studies : Terme anglais souvent utilisé comme synonyme de ludologie, bien qu’il puisse parfois englober un spectre plus large d’études sur les jeux, incluant la narratologie et d’autres approches.
La ludologie continue d’évoluer en tant que domaine d’étude, reflétant la croissance et la diversification des jeux eux-mêmes. Son objectif reste de mieux comprendre l’un des plus anciens et des plus universels moyens de divertissement, d’apprentissage et d’expression humaine.
Ouvrages de référence
Caillois, Roger (1967), Les jeux et les hommes, Paris, Gallimard, [1958] Duflo, Colas (1997), Jouer et philosopher, Paris, PUF. Huizinga, Johan (1988 [1938]), Homo ludens, essai sur la fonction sociale du jeu, Paris, Gallimard.